L’article précédent sur les ancêtres de Philippine CHAUVIN m’a donné envie de chercher s’il n’y avait pas par hasard un autre verrier lié à Auriol..
Effectivement, le 25 novembre 1807, une Auriolaise, Pauline Christine Ménodore IMBERT, épouse Joseph Antoine ROBICHON, souffleur de verres à vitres. (Pauline et Antoine1 pour la suite)
Romançons un peu.. Surtout que le papa de Pauline, Zacharie IMBERT, a fait l’objet d’une de mes “histoires d’inventaires “ où je fais parler le notaire impérial d’Auriol, Maître Jacques Faustin GASTAUD.
C’est donc celui-ci que nous irons voir en premier, dans sa “boutique aux écritures.”
※※※※※
Utilisons la machine à remonter le temps... Nous voilà place d’Amont à Auriol en 1809.
Maître Jacques GASTAUD? A vous la parole..
“Le temps d’ouvrir mes registres, de secouer ma mémoire, et je suis à vous.
Vous enquêtez sur des verriers ? Bien. Je peux vous parler de Zacharie IMBERT qui est décédé l’an dernier. Je m’en souviens bien, j’avais tout juste 50 ans lorsque Rose BOSQ me demanda de faire l’inventaire de la maison qu’elle occupait avec ses enfants et son feu époux. Zacharie était revendeur. Il tenait une boutique près de la maison de la commune, à la rue de la paroisse. Rendez-vous compte, j’y avais inventorié après sa mort 20 chaises et 11 fauteuils ! Une maison assez cossue. Mais c’est le verre qui vous intéresse...
Attendez que je retrouve mon registre de 1808.... Voilà ce que j’ai consigné:
(...)Nous avons passé dans l’appartement attenant à la cuisine egalement au rez de chaussée, servant de boutique et dont la porte donne sur la rue de la parroisse et y avons trouvé
8 kg de verre fabriqué en bouteilles flacons et carrafes, le tout évalué 4F
2 douzaines de lampes en verre, 2F40c
1 jarre d’huile vuide de la capacité de trente trois litres 1F50c
4 petites boëttes en fer blanc 1F
1 grosse dite aussi en fer blanc 1F
1 romaine à l’ancien poid 6F
1 balance en cuivre aussi ancien poid 6F
2 petits vases en fer blanc 1F40c
boisage de la boutique, consistant en 1 petit bureau, quelques etagères et plusieurs planches 20F (...)
Vous dites? Pourquoi tant de verre? Ah, Zacharie achetait ces objets à la verrerie de Peypin. Il y connaissait les ouvriers. D’ailleurs, deux d’entre eux avaient épousé deux de ses filles! Vous comprenez, on dit qu’un verrier n’est pas n’importe qui et n’épouse pas n’importe qui. Il s’agit d’une véritable caste. Le verre est indissociable du feu. Les verriers ont des secrets, des savoir-faire qu’ils se transmettent de génération en génération. Autrefois, on les qualifiait de “nobles gentilshommes”.
L’un de ces ouvriers de Peypin, qui était coupeur de verre et fils du maître d’école de Gémenos, avait épousé Marie Anne. L’autre, souffleur, avait épousé la petite Pauline. Elle avait à peine dix sept ans. Il s’appelait ROBICHON. Un drôle de nom ! Mais vous savez, les ouvriers arrivaient je crois de toute la France. Un vrai réseau. Pauline étant enceinte de ce ROBICHON, Zacharie et Rose marièrent leurs deux filles le même jour. Dans le village, on en parlait beaucoup..
-que savez-vous, maître, sur ce ROBICHON?
-Allez voir les registres d’état civil. Faites la demande de ma part. Pauline et lui se sont mariés à Auriol il y a deux ou trois ans. Je crois que le jeune homme venait de la région de Lyon. Revenez me voir. Vous me raconterez.
Je me rends à l’hôtel de ville, où l’officier d’état civil me copie gracieusement l’acte de mariage, puis je retourne toute contente chez le notaire.
-Voilà, Maître, l’acte de mariage daté du 25 novembre 1807. En saurons-nous plus sur Joseph Antoine ROBICHON ? Je crois que oui! Voyons..
Le gendre de Zacharie, Joseph Antoine ROBICHON, est bien né à GIVORS le 2 septembre 1779. Il est écrit qu’il est domicilié à “la commune de PEIPPIN”, est fils de feu Antoine ROBICHON souffleur de verre et de Flaurie FLACHON.
-FLACHON ? Ce n’est pas un nom du pays. Comment allez-vous faire ? Vous rendre à Givors ? Mais c’est très loin!
-L’acte de mariage de Joseph Antoine mentionne le décès de son père Antoine à Marseille en 1806. Je vais d’abord m’y rendre et reviendrai vous faire mon rapport.
Nota: notre notaire ne peut savoir, en 1809, qu’en quelques “clic” on pourrait lire un jour virtuellement les actes sur un ordinateur... Impatiente, je retourne le lendemain à l’office notarial.
-Déjà de retour de Marseille? Vous avez fait vite ! Alors ? des nouvelles ?
-Oui, Maître. Antoine ROBICHON est bien décédé à Marseille le sept avril 1806. Voici une copie de l’acte:
Le notaire semble prendre goût à l’histoire.. et ajuste son binocle, lit le document et se tourne vers moi:
-Je lis que Antoine, ouvrier verrier, était âgé de 52 ans. Si je calcule bien, il serait né en 1754. Mais où? à “VITTESLINE en Alsace” ? L’affaire devient difficile pour vous ! Autre chose: ses parents, “Antoine et Elizabeth QUINTESIE?” ont des noms bien bizarres.. Si j’ai bien compris, la fille de Zacharie a épousé Joseph Antoine1 ROBICHON né à Givors, fils d’Antoine2 né en Alsace, celui-ci fils d’Antoine3. Je m’y pers, dans ces “Antoine” !
Et maintenant ? comment allez-vous continuer votre enquête?
- Je vais me rendre à Givors pour chercher l’acte de naissance de Antoine1. Peut-être en saurons-nous plus sur son origine.
-Bon voyage et à bientôt ! Soyez prudent, les routes ne sont pas sûres.
Clic-clic-clic sur le web, direction le site des archives du Rhône.... Givors... registre collection communale.... 1779....2 septembre... et voilà !
Je vais attendre quelques jours avant de rencontrer à nouveau Me GASTAUD. Il ne comprendrait pas la rapidité du voyage!
-Bonjour Maître. Quelques précisions pour notre affaire. Antoine1 est bien né le 2 septembre 1779 à Givors, fils d’Antoine2 maître souffleur à la verrerie royale de la ville et de Florie FLACHON.
Il nous faut trouver ce mariage !
-Mais comment allez-vous procéder?
-J’ai ma petite idée... A bientôt.
Et me voilà repartie, laissant notre notaire dubitatif: “quelle idée, cette façon de courir le pays pour savoir d’où venait le gendre de Zacharie. D’Alsace, cela ne suffit-il donc pas ?”
(Et non, cher maître, cela ne suffit pas... Je voudrais remonter et remonter... Vous ne pouvez pas savoir que nous utilisons des outils de recherche qui vous sont inconnus)
Clic...clic...clic... l’acte de mariage d’Antoine2 ROBICHON et Florie FLACHON daté du 4 août 1774 apparaît sur l’écran.... Capture, impression et lecture...
AÏE... quelle écriture..
“Sr Antoine ROBICHON souffleur de verre à la verrerie royale de Givors, fils de Sr Antoine ROBICHON demeurant à la verrerie de VILLE SAINTE en Alsace district de P..(illisible) et de defunte? Elisabeth QUINSLY”
Hum... Ces noms alsaciens semblent faire souffrir les officiers d’état civil provençaux.
Mais quand on sait d’où vient la famille VALCH de l’article précédent, on fait vite le lien entre les communes de “VITTESLINE en Alzace” citée en 1806, “VILLE SAINTE district de P...” citée en 1774 et WILDENSTEIN dans le Haut Rhin, district de PORRENTRUY.
Elisabeth “QUINSLY”, grand-mère de Antoine1, est sans doute une “KIENTZY”.
Il y a sûrement dans les associations des personnes qui peuvent donner une suite en amont. Des vérifications s’imposeront, mais nous pouvons, je pense, affirmer que Antoine1, le souffleur de verre de Peypin né à Givors, est issu de verriers de Wildenstein.
Je rapporte mes conclusions à Maître GASTAUD.
-Voilà, Maître Gastaud. L’enquête est terminée. J’ai eu bien du plaisir à converser avec vous. Portez-vous bien et merci pour votre aide ( Notre notaire ne sait pas, en 1809, qu’il aura encore 24 années devant lui.) ...
Epilogue que Me GASTAUD ne saura jamais:
Antoine1 ROBICHON et son épouse Pauline quittèrent Peypin pour s’installer à Auriol où ils marièrent leur fille Rose Ménodore à un médecin de RIANS.
sources:
-AD13 et AD69 (Merci pour la numérisation et mise en ligne des BMS)
-Travaux personnels sur registres notariés d’Auriol
-Le centre Départemental d’Histoire des Familles
-Carte postale empruntée au site VERELENE
-Fond de page: photo issue du site de l’atelier du souffleur de verre de Kaysersberg
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